La Cour suprême déclare que la reconnaissance d’un jugement étranger validant un contrat de gestation par autrui et attribuant la paternité aux parents d’intention est contraire à l’ordre public
La Cour suprême d’Espagne a déclaré que la reconnaissance d’un jugement étranger validant un contrat de gestation par autrui et attribuant la paternité aux parents d’intention est contraire à l’ordre public espagnol. L’affaire concernait un couple espagnol qui avait signé un contrat de gestation par autrui aux États-Unis, validé par un tribunal du Texas (États-Unis). Le tribunal a reconnu les parents d’intention comme les parents des enfants nés de ce contrat.
Cependant, les tribunaux espagnols ont rejeté la demande de reconnaissance, en vertu des sections a) et d) de l’article 46.1 de la loi 29/2015 sur la coopération juridique internationale en matière civile, et de l’interdiction stipulée à l’article 10 de la loi 14/2006 sur les techniques de procréation assistée. Ils ont fait valoir que, puisque les requérants ont sciemment et volontairement entamé un processus pour obtenir un enfant en concluant un contrat de gestation par autrui qui est illégal en Espagne, la procédure par laquelle les enfants ont été conçus est nulle en droit espagnol et que la reconnaissance et l’exécution demandées ne sont pas possibles parce qu’elles sont fondées sur une fraude à la loi qui ne peut pas être protégée par la loi espagnole.
L’affaire a été portée devant la Cour suprême, alléguant des violations du développement de la personnalité, une discrimination fondée sur la nationalité et un manque de respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cependant, la Cour a rejeté ces allégations, arguant que les droits fondamentaux et la dignité de la femme enceinte et de l’enfant, protégés par la Constitution, prévalent. En particulier, la Cour a estimé que de tels accords impliquent l’exploitation de la femme et nuisent à l’enfant, car ils obligent la mère enceinte à remettre l’enfant après la naissance sans aucune possibilité de refus et privent l’enfant de son droit de connaître ses origines biologiques. En outre, elle a souligné le caractère mercantile de ces accords, qui impliquent des paiements à la mère enceinte, en obtenant son consentement en échange d’une compensation financière ou autre. La Cour suprême a également affirmé que le refus de reconnaître le jugement étranger n’est pas contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Cet intérêt ne doit pas être défini en fonction des souhaits des parents d’intention ou sur la base d’un accord de gestation par autrui ou d’une filiation en faveur des parents d’intention en vertu du droit étranger. L’intérêt supérieur de l’enfant doit prendre en compte la rupture de tout lien entre les enfants et la femme qui les a conçus et mis au monde et l’existence d’une filiation paternelle biologique et d’une cellule familiale dans laquelle les enfants sont intégrés. Selon la Cour, reconnaître automatiquement ces filiations en Espagne porterait atteinte aux droits fondamentaux des femmes enceintes et des enfants, qui sont traités comme des marchandises, sans que soit garantie l’aptitude des parents d’intention.
CHIP se félicite de cette décision qui met en lumière les violations des droits auxquels ces arrangements donnent lieu et la nécessité d’assurer la protection et la reconnaissance du droit de l’enfant à l’identité. Les droits spécifiques de l’enfant qui sont souvent menacés dans le cadre de la gestation par autrui sont le droit à ne pas être vendu, le droit à une identité, y compris l’enregistrement de la naissance, le nom, la nationalité, les relations familiales et l’accès aux origines, ainsi que le droit de jouir du meilleur état de santé possible. Les États qui doivent répondre aux problèmes de la gestation par autrui en raison des activités de leurs ressortissants et résidents doivent prêter attention à ces droits et prendre des mesures urgentes à leur égard.
Voir: STS 5879/2024 de la Cour suprême, Salle civile, du 4 décembre 2024, ECLI:ES:TS:2024:5879, https://www.poderjudicial.es/cgpj/es/Poder-Judicial/Tribunal-Supremo/Noticias-Judiciales/El-Tribunal-Supremo-rechaza-reconocer-una-sentencia-de-Estados-Unidos-que-valida-un-contrato-de-gestacion-subrogada-por-ser-contrario-al-orden-publico.