Jugements récents de la Cour européenne des droits de l’homme dans des affaires de maternité de substitution, sous l’angle de l’identité et de la filiation

En vertu du droit danois, l’adoption est interdite dans les cas où une rémunération est versée à la personne qui consent à l’adoption. Dans ce contexte, dans l’affaire K.K. et autres contre Danemark, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a décidé qu’il y avait eu une violation du droit au respect de la vie privée (Art. 8) des deux enfants requérants, car les autorités danoises n’avaient pas réussi à trouver un équilibre entre les intérêts des enfants et les intérêts de la société à limiter les effets négatifs de la maternité de substitution commerciale. En effet, l’absence de relation parent-enfant légalement reconnue “a eu un impact négatif sur le droit des enfants au respect de leur vie privée, notamment parce qu’elle les a placés dans une situation d’incertitude juridique quant à leur identité au sein de la société “.

De même, dans l’affaire D.B. et autres c. Suisse, la CEDH a conclu à une violation de l’Art. 8 car le pays avait “outrepassé sa marge d’appréciation en ne prévoyant pas en temps utile une telle possibilité dans sa législation”. En effet, à l’époque de la convention de gestation pour autrui de l’enfant, le droit interne n’avait offert aux requérants aucune possibilité de reconnaissance du lien de filiation entre le parent d’intention (en partenariat enregistré) et l’enfant. À l’époque, l’adoption n’était ouverte qu’aux couples mariés, à l’exclusion des personnes en partenariat enregistré (cette disposition a été modifiée en 2018). La Cour a donc estimé que le fait pour les autorités suisses de ne pas reconnaître l’acte de naissance étranger légalement délivré dans la mesure où il concernait le lien de filiation entre le père d’intention et l’enfant né par gestation pour autrui aux États-Unis, sans prévoir d’autres moyens de reconnaître ce lien, n’était pas été dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Si l’on peut se féliciter que les deux décisions appellent à une plus grande certitude quant à l’identité et à la filiation des enfants nés par maternité de substitution, il est important que l’intégralité des droits de l’enfant soit sauvegardée. Des droits tels que la préservation intégrale de tous les éléments d’identité (gamètes, embryons et mère porteuse) et le droit de ne pas être vendu doivent également être protégés et ne pas être supplantés par la certitude de la filiation légale. Cela dans le but d’éviter le développement de pratiques non éthiques ou illégales et le recours à des technologies de procréation médicalement assistée contraires aux lois nationales. De tels développements peuvent se produire en reconnaissant une certaine forme d’identité et de filiation à l’enfant et aux parents d’intention, indépendamment des circonstances de la conception et de la naissance.

Sources : Cour européenne des droits de l’homme. K.K. et autres c. Danemark (Requête n° 25212/21) et Communiqué de presse : Les intérêts des enfants ne sont pas suffisamment pris en compte dans l’interdiction de l’adoption par gestation pour autrui rémunérée. ECHR 377 (2022), 06.12.2022 ; Cour européenne des droits de l’homme. D.B. et autres c. Suisse (Requêtes n° 58817/15 et 58252/15) et Communiqué de presse : Le droit de l’enfant à la vie privée violé par l’absence de disposition dans le droit suisse, jusqu’en 2018, pour des moyens alternatifs de reconnaissance des enfants nés de couples de même sexe par le biais de la maternité de substitution. ECHR 367 (2022) ,22.11.2022.